Sortir de l'ombre d'Alexis Lafrenière: Tel est l'objectif de cet espoir québécois du prochain repêchage
PUBLICATION
Charles-Antoine Nicol
12 janvier 2019 (16h11)
Lorsque l'on joue au hockey, quoi de mieux que de performer avec un compagnon de trio dont la chimie s'installe dès les premières présences?
Imaginez si ce partenaire d'unité en question est votre meilleur ami de toujours, alors vous avez là le summum du bonheur lorsque vous foulez la patinoire.
C'est exactement la relation qu'avaient Alexis Lafrenière de l'Océanic de Rimouski et Nathan Légaré du Drakkar de Baie-Comeau avant de se faire repêcher dans la LHJMQ.
Bien qu'ils soient toujours d'excellents amis, Légaré raconte ce que c'est d'évoluer dans l'ombre du potentiel premier choix au total de la LNH en 2020:
Les deux jeunes hommes ont bien beau être séparés par la largeur du fleuve Saint-Laurent, cela ne les empêche pas de maintenir une amitié bien spéciale.
En effet, tous les moyens sont bons pour ces athlètes de 17 ans afin de garder contact, comme en témoigne Légaré:
« On s'appelle souvent le soir, sur Facetime, raconte Légaré. On prend des nouvelles, on jase un peu. Des fois on joue à NHL pour retrouver la petite chimie qu'on avait sur la patinoire. »
Tous deux originaires de Saint-Eustache, lorsque ces deux amis d'enfance retournent dans leur patelin lors de la période estivale, ils sont tout simplement inséparables:
« C'est moi son lift parce qu'il n'a pas encore son auto, plaisante Légaré. Je pense que je passe plus de temps avec lui qu'avec mes parents. »
Nathan Légaré a du talent, beaucoup de talent, et il le prouve depuis son tout jeune âge. Au niveau bantam AAA, il a récolté 59 points en 33 rencontres avec les Seigneurs de Mille-îles.
Un an plus tard, désormais membre des Vikings de Saint-Eustache dans le midget AAA, l'ailier droit poursuit sur sa lancée en noircissant la feuille de pointage à 51 reprises lors de 40 engagements.
Cependant, à chacune de ses deux campagnes, devinez lequel de ses coéquipiers surpassait Légaré dans la colonne des pointeurs?
Alexis Lafrenière, bien évidemment. Il n'en fallait pas plus pour que les mauvaises langues clament haut et fort que les succès de celui qui a célébré ses dix-huit ans il y a 24h s'expliquait par la présence de Lafrenière sur sa triade:
« Ça je l'ai souvent entendu, midget et bantam, confirme l'ailier droit du Drakkar. On avait beaucoup de succès et les gens ramenaient toujours ça à Alexis. Mais au repêchage, je pense que Baie-Comeau a vraiment cru en moi.
C'est pour ça qu'ils m'ont repêché aussi tôt. Quand je suis arrivé là-bas, j'ai tout de suite voulu prouver que c'était pas juste lui qui me faisait produire. »
Bien qu'à sa première campagne dans le circuit Courteau, l'ailier de 6 pieds et 196 livres a obtenu 51 points de moins que son meilleur ami, les choses se sont maintenant régularisées en 2018-2019.
En effet, les deux natifs de Sainte-Eustache ont maintenant des productions relativement similaires:
Nathan Légaré: 30 buts, 29 aides en 41 matchs
Alexis Lafrenière: 19 buts, 41 aides en 35 rencontres
« Je savais qu'on allait avoir une bonne saison en tant qu'équipe, mais au niveau personnel, c'est sûr que la récolte de points est surprenante, admet le numéro 29 du Drakkar. Mais je pense que je connais du succès parce que je joue un style qui colle à mon identité.
Présentement, je ne me concentre pas sur les points, mais sur l'ensemble de mon jeu. C'est comme ça que j'ai du succès. »
Ce sont là des paroles qui font preuve de beaucoup de maturité chez le jeune homme de 18 ans, mais il n'y a pas si longtemps que ça, soit l'an dernier, Légaré a du subir un traitement choc pour se faire ramener sur le droit chemin, raconte le directeur général du Drakkar de Baie-Comeau, Steve Ahern:
« L'année passée à la même date, Martin [Bernard, l'entraîneur-chef du Drakkar] l'a mis dans les estrades pour lui faire comprendre des choses, relate Ahern au téléphone. C'est un gars qui trouvait qu'il n'avait pas assez de temps de glace. Sa production était plus ou moins là, il se plaignait de son rôle.
Il a même été à Team Canada et ils l'ont retranché à cause de son attitude. Mais quand il est revenu cette année, tout ça avait changé, carrément. On a retrouvé un gars positif, un gars avec de la joie de vivre, heureux dans ce qu'on lui demandait.
Ça a fait en sorte qu'il a pu s'autocritiquer différemment. Puis en jouant avec les [Ivan] Chekhovich, [Yaroslav] Alexeyev, [Gabriel] Fortier, des gars qui sont dévoués, c'est sûr que ça aide. »
Encore une fois, si Légaré agissait ainsi selon Ahern, c'est en raison des éternels comparaisons avec le #11 de l'Océanic:
« Souvent, tu termines ton match, tu as joué douze minutes, tu appelles tes parents. Ils n'ont pas vu le match, mais ils te disent que tu devrais jouer plus, que tu es un choix de première ronde.
Ensuite tu appelles ton chum de l'autre bord du fleuve. Il joue 30 minutes par soir et il produit. L'année d'avant, tu produisais autant que lui.
Là tu te dis : "Pourquoi moi je n'ai pas autant de temps de jeu alors que je suis aussi bon?" Quand tu as 16 ans, tu n'as peut-être pas la même vision des choses que quand tu en as 17 et que tu as un peu plus de vécu. Et Nathan, c'est un gars qui est sincère, franc, qui dit ce qu'il pense. »
Le DG du Drakkar poursuit l'entretien en évoquant l'adaptation que Nathan Légaré à dû apporter dans son jeu afin d'oublier l'apport de Lafrenière:
« Admettons que tu joues avec Guy Lafleur. Avant de prendre ton lancer, tu vas essayer de repérer ton partner parce que tu te rends compte qu'à chaque fois que tu lui donnes la rondelle, il compte.
Quand tu joues avec Alexis Lafrenière, qui est l'un des meilleurs joueurs de son groupe d'âge au Canada, tu te dis : "Hey, je vais lui donner le puck". Tu as peut-être plus confiance en lui qu'en toi-même. Mais quand Nathan est arrivé ici, il gardait la rondelle plus longtemps.
Dans ce temps-là, les bâtons viennent plus vite et tu te fais couper tes lignes de passes rapidement. Ce qui a changé, avec le temps, c'est que maintenant quand il a la rondelle, il dégaine.
Et elle rentre, parce qu'il a un shot de la Ligue nationale. Il ne se pose plus de questions, il ne regarde pas pour son chum. Il reçoit la rondelle et il prend son shot. S'il rate son coup, personne ne rouspète parce qu'ici, personne n'est mis en premier plan. Chez nous, le premier plan, c'est l'équipe. »
« Tu sais, dans le midget AAA, ces kids-là n'ont pas gagné, conclut Ahern. Regarde ce qui s'est passé dans les séries éliminatoires. Légaré, Lafrenière, [Christopher] Ortiz... ça s'est fait éliminer assez rapidement. »
Contrairement à Lafrenière, qui n'aura pas atteint l'âge de majorité en date du 15 septembre 2019 comme le veut le règlement de la LNH, Légaré de son côté sera admissible à la prochaine séance de repêchage du circuit Bettman.
Lors de son premier classement, la Centrale de recrutement de la LNH catégorisait le joueur du Drakkar comme un espoir de type C, signifiant qu'il serait repêché entre les rondes 4 à 7.
Bien que des jeunes joueurs auraient pu s'avérer démoraliser de se voir décerner une telle cote, Légaré a, quant à lui, été plus que motivé à faire mentir la Centrale:
« C'est sûr que quand j'ai vu ça, je suis resté un peu surpris, admet-il. Mais je me suis juste dit : "Reste focus et le crédit va te revenir à un moment donné". J'ai vu la liste, mais je ne l'ai pas regardé plus longtemps, je n'ai pas regardé qui était où. Juste en sachant que j'étais "C", mon but c'était d'augmenter, de passer à "B" et ensuite à "A".
On va voir ce qui va arriver pour la suite, mais j'ai juste à rester fidèle à mon identité et je crois que c'est ce que les recruteurs vont aimer. »
« Pour moi, les listes, ça veut pas mal rien dire, insiste Légaré. Si on regarde Gabriel Fortier l'an passé, il n'était pas censé sortir 59e au total, en deuxième ronde. Mais quand une équipe t'aime, elle va te repêcher où elle te voit. » D'ailleurs, ses bonnes performances en 2018-2019 lui ont valu une excellente position dans le classement de l'expert en hockey junior chez TSN, Craig Button, alors que Légaré pointait au 36e échelon de ce palmarès en vue du prochain encan.
Le 23 janvier prochain se tiendra le match des meilleurs espoirs de la CHL dans lequel Nathan Légaré représentera l'équipe Cherry.
Lors de cet événement, le principal intéressé tentera ainsi de se faire une place de choix dans les différentes listes des recruteurs du circuit Bettman et au final, prouver qu'il n'a pas besoin de Lafrenière pour performer et ce, une bonne fois pour tout.
« Je ne changerai pas ma game pour essayer d'impressionner la galerie, promet-il. J'ai juste à faire ce que je fais bien, finir mes mises en échec et apporter des rondelles au filet. Je pense que c'est comme ça que je vais me faire voir. »
S'il continue à progresser de la sorte, Trevor Timmins et le Tricolore pourraient-ils en faire l'une de ses sélections au 2e tour, considérant le besoin criant du Tricolore à l'aile droite?
*Propos recueillis par Nicolas Landry - RDS.ca*
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