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Affaire Mailloux : une question de communication publique

PUBLICATION
Carl Vaillancourt
25 juillet 2021  (18h26)
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À la surprise générale, les Canadiens de Montréal ont réalisé un méchant pied de nez vendredi soir.

En effet, ceux-ci ont réclamé le défenseur controversé Logan Mailloux.

Même si celui-ci avait demandé aux 32 clubs de la LNH de l'ignorer cette année en raison d'une condamnation à un crime de nature sexuelle en Suède à la fin de 2020, Marc Bergevin a acheté les excuses du jeune homme livrées trois jours avant l'encan amateur.

Journalistes, politiciens, groupes communautaires contre les violences sexuelles et même toute la population du Québec ont livré des témoignages sur la situation entourant le premier choix du Tricolore.

Certains ont banalisé et d'autres ont démonisé, mais très peu de personnes ont pris le temps de relater les faits et faire une analyse complète et rationnelle.

En gros, comment expliquer une telle tempête médiatique? Est-ce que ça aurait pu être évité? La réponse est oui. D'abord, certains diront qu'il y avait bon nombre de joueurs au talent similaire qui auraient pu être le choix du CH, ce qui est fort probablement le cas. Seul le temps nous le dira.

L'erreur du CH n'a pas été de sélectionner Logan Mailloux toutefois. L'erreur en fut une de communication et de stratégie dans la gestion de crise. À partir du moment où Marc Bergevin et Trevor Timmins ont mis son nom sur leur liste de joueurs en vue de la séance de repêchage, ils devaient faire leurs devoirs.

La première chose était de prendre connaissance de la nature juridique des accusations. Il va de soi que Marc Bergevin et son équipe ont lu la décision du juge de la Cour qui a statué sur la sentence appropriée pour le jeune homme.

Ici au Québec, un jeune garçon de 17 ans qui aurait commis un tel geste n'aurait pu être identifié en raison de la Loi sur la protection des personnes mineures. Seules ses initiales auraient été inscrites dans le verbatim de l'accusation.

Dans bien des cas, les adolescents jugés à la Chambre de la jeunesse esquivent la tache d'un dossier criminel, puisque le système de droit canadien croit en la réhabilitation de l'individu. Certains critiqueront le système, avec raison, mais aucun système judiciaire n'est parfait. La ligne entre laxisme et sévérité est une ligne pointillée.

Une fois avoir pris connaissance de la preuve dans son entièreté, Marc Bergevin aurait dû faire une seule chose, soit de communiquer avec la victime de Logan Mailloux ou de ses parents si la victime est toujours mineure. Si celle-ci a répondu aux questions d'un média, elle aurait probablement accepté une discussion à huis clos.

Avec une discussion franche sur les impacts du geste dans la vie de la victime, Marc Bergevin aurait pu comprendre ce qu'elle a vécue. Ensuite, il aurait abordé l'éventualité que le Tricolore pourrait réclamer ce dernier et connaître l'opinion de la victime à ce sujet.

On veut éviter que celle-ci se retrouve devant le fait accompli. Une telle annonce pourrait provoquer des répercussions négatives, ce qu'on veut éviter pour toutes les victimes, et ce, peu importe la situation vécue. Comme la jeune fille a avoué qu'elle ne voyait pas de problème à ce qu'il joue dans la LNH un jour dans un article de Corey Pronman, le Tricolore aurait probablement eu le feu vert.

Cette approbation, c'était la partie la plus importante de l'explication derrière la sélection. Celle-ci aurait anéanti les argumentaires des protagonistes qui veulent lapider l'organisation pour le non-respect des femmes victimes de violences sexuelles ou le fait que le CH banalise les comportements toxiques comme celui-ci.

Placer la victime au coeur de la décision, c'est ce que les organismes de défense souhaitent ardemment. Elles auraient probablement salué la façon du CH de traiter la question. De plus, le Tricolore aurait pu offrir de payer pour toute aide jugée nécessaire pour la victime et accompagner celle-ci.

En sélectionnant Logan Mailloux, le Tricolore devient complice par association. D'une certaine façon, aux yeux d'une majorité de citoyens au Québec, le CH n'est plus digne d'être un élément de fierté. Ça fait mal!

De cette façon, la dimension humaine est plus importante que la dimension hockey. Ça aurait été les premières phrases prononcées dans le point de presse du directeur général, ce qui aurait eu pour effet de calmer le jeu dès le début. La crise aurait été évitée en grande partie. Du moins, elle n'aurait jamais pris une proportion aussi démesurée.

Ensuite, le Tricolore aurait dû se servir de cet incident pour aller plus loin. La meilleure décision aurait été d'offrir un programme de sensibilisation sur les violences faites aux femmes pour les jeunes hockeyeurs au Québec.

Quand une équipe vaut plus de 1 G$, elle a les moyens d'avoir un impact sociétal en créant un programme de quelques centaines de milliers de dollars chaque année.

Ça aurait été l'occasion d'envoyer un message fort sur le fait que l'organisation des Canadiens de Montréal veut faire preuve de leadership et amener les jeunes hommes à réfléchir avant d'agir dans ce genre de situations. Ce message s'adresse à tous les genres et même les non-binaires.

Le simple fait de vouloir ouvrir une discussion avec les jeunes, aurait déplacé le scandale en arrière-plan. Ça aurait été l'occasion de travailler en collaboration avec Hockey Québec et créer un partenariat. Certes, le temps manquait probablement pour une telle annonce après la sélection, mais il n'est pas trop tard.

Marc Bergevin a toutefois marqué des points avec le fait que l'organisation des Canadiens de Montréal va s'assurer d'offrir tous les outils nécessaires pour que Logan Mailloux puissent s'améliorer comme individu. Maintenant, reste à savoir si c'est vrai ou simplement une ligne de communication pour noyer le poisson.

On aura la réponse dans plusieurs années ou très prochainement, si celui-ci commet une autre bourde. La réhabilitation est possible et souhaitable, et c'est là-dessus qu'on devrait mettre nos énergies actuellement. Certes, la réhabilitation, ça n'effacera pas les gestes posés et la vie marquée de cette jeune femme, mais ça pourrait éviter de faire d'autres victimes, ce qui est une petite victoire en soi!

Si tous les Québécois ont une opinion sur le sujet, il est important de rappeler que cette histoire est toutefois uniquement entre Logan Mailloux et la victime. Les partisans du Tricolore aussi fâchés et déçus qu'ils peuvent l'être, le processus de réhabilitation et le fait que la victime puisse ou non pardonner, ça ne regarde que les deux personnes concernées.

Les partisans blessés ont le droit de boycotter les activités de la Sainte-Flanelle selon leurs convictions, c'est aussi leur droit le plus fondamental. Ce serait compréhensible.

Toutefois, le jeune homme a été reconnu coupable. Il a payé les amendes prévues aux lois suédoises et maintenant, il a le droit à la réhabilitation. C'est ce que tous et chacun devrait lui souhaiter actuellement et non sa mort.

Les tweets et les messages haineux souhaitant du tort à l'individu, c'est grave en soi, ça n'aide personne. Si celui-ci peut cheminer comme individu en plus de devenir un meilleur humain, ce serait un dénouement heureux. Il faudra toutefois qu'il garde en tête le tort causé à sa victime et vivre avec cela.

Si le CH avait préparé un plan de communication proactif pour instrumentaliser cette situation afin d'être un acteur positif dans la lutte contre toutes les formes de violences faites aux femmes, cette sélection aurait été vue comme un progrès pour la société québécoise.

Malheureusement, on se souviendra de Logan Mailloux comme une sélection douteuse et honteuse qui banalise un geste disgracieux et criminel posé par un jeune homme de 17 ans qui voulait impressionner ses coéquipiers au détriment de l'intégrité d'une jeune femme.

Si vous pensez qu'il est le seul jeune hockeyeur à avoir reproduit un tel comportement, j'ai une mauvaise nouvelle pour vous, c'est très répandu dans un milieu. Le milieu du hockey est un environnement où on valorise les machos, puisqu'ils sont souvent perçus comme les mâles alpha de la meute.

C'est plus large qu'une simple sélection, c'est un problème d'éducation et de société ici au Québec, mais probablement ailleurs dans le monde. Et si on s'attaquait à ce fléau plutôt qu'à un jeune homme de 17 ans, on aurait plus de chances d'avoir un réel impact.

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