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Clint Malarchuk, 2e partie : ''Je suis mort trois fois''

PUBLICATION
Melanie Cote
21 mars 2020  (19h39)
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En direct du Memorial Autitorium de Buffalo, les Sabres accueillaient les Blues de St-Louis et le gardien Clint Malarchuk, alors âgé de 28 ans, était désigné partant pour ce duel, mais une séquence de jeu allait basculer sa vie à tout jamais, ce soir du 22 mars 1989, comme il le raconte dans le livre « The Crazy Game : How I Survived the Crease and Beyond ».

La rondelle s'est retrouvée dans le fond de la zone des Sabres à sa droite. Les Blues ont fait une passe dans le haut de l'enclave, puis il a glissé devant le filet sur ses genoux.

Le défenseur Uwe Krupp tentait de rattraper Steve Tuttle par-derrière et le joueur des Blues est tombé à la renverse. Ainsi, la lame de son patin lui a sectionné le cou, atteignant la veine jugulaire.

« Sur le coup, je n'ai rien senti. Je croyais que c'était mon masque qui avait été touché. Puis, j'ai vu le sang gicler sur la glace, beaucoup de sang. Ce n'était vraiment pas beau à voir. Je suis sûr que vous avez vu les vidéos. J'étais convaincu que j'allais y passer. »

L'arbitre était sous le choc. « Vite une civière! Il se vide de son sang », avait-il crié.

« Je me suis donc dit : ''Non! Moi, je sors d'ici.'' C'est comme ça qu'on m'a élevé de toute façon. On ne reste pas sur la glace quand on est blessé. Je craignais aussi une chose : que ma mère me voit mourir à la télé. »

« Je me préparais à mourir. J'ai réclamé l'aumônier de l'équipe. J'ai aussi demandé au préposé à l'équipement d'appeler ma mère pour lui dire que je l'aimais. »

« Arrivé à l'hôpital, pendant qu'on se préparait à m'opérer, on m'a dit : ''Tout va bien se passer.'' Mais j'étais loin d'en être certain. Je ne savais pas si on me disait ça simplement pour me calmer. Et si une fois endormi, je ne me réveillais plus? »

« Je suis convaincu que c'est le soigneur qui m'a sauvé. Il a été imperturbable. Et pourtant! Essayer de sauver une vie devant des milliers de personnes, c'est beaucoup de pression. Jim Pizzutelli avait déjà passé du temps au Vietnam et avait vu beaucoup de sang, probablement la mort. Ça l'a possiblement aidé. »

Clint Malarchuk, 2e partie : ''Je suis mort trois fois''...

« Je suis revenu au jeu seulement 10 jours après l'accident. Dix jours! »

« Je suis un cowboy. J'ai grandi avec les chevaux. Et vous savez ce qu'on dit quand on se fait ruer par terre? Qu'il faut remonter tout de suite à cheval pour chasser la peur. Je croyais donc que c'était la meilleure chose à faire dans mon cas aussi. À l'époque, il n'y avait pas de soutien psychologique. Et je n'y ai pas songé non plus. »

« En fait, le seul accompagnement dont j'ai profité est venu du soigneur de l'équipe, mon sauveur. Il m'a guidé jusqu'à mon filet en marchant sur la glace et m'a dit » :

- C'est ici que ça s'est passé. Ça va aller?

- Allons-y!

« Ma préparation s'est résumée à ça. »

« Belle coïncidence, mon retour au jeu s'est fait à Buffalo contre les Nordiques, mon ancien club. J'étais le gardien réserviste et on m'a envoyé sur la glace pour écouler les cinq dernières minutes. »

« Nous avons gagné le match. Et devinez quoi : à la fin, tous les joueurs des Nordiques sont venus me saluer et me donner l'accolade. »

« Pour les partisans de Buffalo et du nord de l'État de New York, j'étais devenu un héros, car j'étais revenu au jeu si vite. À leurs yeux, j'étais tellement courageux. Un vrai guerrier. Bercé par l'appui des partisans, j'ai pu terminer la saison. »

« L'année suivante, tout s'est effondré. Je suis devenu très anxieux, dépressif. J'avais du mal à quitter la maison. »

« J'ai recommencé à revivre mon incident. Le patin, la lame, le cou. Ma médication n'avait plus l'effet escompté. Ça ne marchait plus. Je croyais que tout irait bien si je continuais de prendre mes pilules. Mais non. »

« J'étais à nouveau dépressif et anxieux. J'étais surtout convaincu que je devenais fou. J'avais des comportements psychotiques, je commençais à paranoïer. »

« Je croyais que le FBI me poursuivait. Je croyais que ma femme me trompait. Avec ce trouble obsessif compulsif, j'étais incapable de chasser ces images. »

Dans cette psychose, Malarchuk s'est même tiré une balle dans la tête...

« Je prie alors pour que ma femme raconte aux policiers que j'ai tiré par accident, en grimpant la clôture à la poursuite de lièvres. Ce qu'elle fait. »

« Plus tard, un policier appelle ma femme pour la convaincre de changer sa version des faits. »

« On connaît Clint, lui dit-il. On connaît son histoire. On sait qu'il agit bizarrement, qu'il boit. On ne croit pas à l'accident. Si vous ne changez pas de version, il pourra quitter l'hôpital quand il le voudra. »

« Ma femme avoue finalement que c'est moi qui ai tiré. »

« On m'a ensuite admis dans un centre de traitement. J'y ai passé six mois. C'est là que j'ai appris que je souffrais du trouble de stress post-traumatique, comme c'est le cas pour plusieurs soldats. »

« Je l'ai mal encaissé. En fait, je ne l'acceptais pas. Je croyais que j'étais un dur de dur parce que j'étais revenu au jeu si vite après ma blessure. J'étais une star à Buffalo. On a nommé un groupe de musique en mon honneur, un cheval de course aussi! »

« Je pouvais accepter l'anxiété, la dépression, mais pas ça. »

« Je me suis battu contre ce diagnostic pendant deux mois. Puis, j'ai compris. Si on est déjà prédisposé à la maladie mentale, un traumatisme, comme ma coupure au cou, pouvait provoquer une onde de choc, un trouble de stress post-traumatique. »

« J'ai alors compris que j'étais malade, pas un faible. Et que je ne pouvais pas m'en sortir tout seul. »

« Joanie est ma meilleure amie. On fait tout ensemble. Nous possédons une entreprise de chevaux. Elle m'assiste dans ma pratique dentaire et chiropratique pour les chevaux. Car oui, je suis retourné à l'école. Là où, enfant, j'avais si peur. J'ai vaincu certains de mes démons. »

« Aujourd'hui, ma femme prononce même des conférences avec moi. J'en donne entre 30 et 50 par année. J'adore cela parce que je vois tout de suite l'impact que nous avons. Les gens viennent nous voir par la suite et sont très émus, touchés. Ils sont désormais prêts à aller chercher de l'aide. Je sens que je fais une différence. C'est très gratifiant. C'est une véritable thérapie pour moi. »

« Je consulte toujours un thérapeute. Deux fois par semaine s'il le faut. »

« Maintenant, je ne pleure plus avec mes chevaux. Je leur parle. Leur présence tranquille me fait un bien immense. »

« J'ai toujours cru que ma mission dans la vie était de jouer au hockey. »

« Je me trompais. La LNH n'était qu'un tremplin. »

« J'aurais dû mourir trois fois. Dieu a préféré que j'aide les autres.»

Propos recueillis par Diane Sauvé

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